vendredi 24 juillet 2009

Projet de loi pénitentiaire: la douloureuse question des prisons françaises

Ci-dessous un second extrait de la Lettre de Serge Lagauche, sénateur du Val-de-Marne (n° 22, juillet 2009, p. 5).

La situation des prisons françaises est désastreuse, c'est un constat partagé par tous et la France vient de nouveau d'être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour traitements dégradants envers un détenu. Dans le même temps, le nombre de suicides en prison ne cesse de croître. Le malaise est profond. Désengorger les prisons, développer les sanctions alternatives à l'encellulement, reconnaître le travail titanesque des personnels pénitentiaires, permettre aux détenus de rester digne tout en prenant en compte la douleur des victimes. Le travail des sénateurs sur le projet de loi pénitentiaire fut, en mars dernier, colossal.
A quoi sert la prison et quel est le sens de la peine ? La réponse à cette question n'est pas aisée. C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe socialiste, nous nous sommes vivement élevés contre la décision du gouvernement de déclarer l'urgence sur ce texte complexe qui méritait bien mieux qu'une simple lecture devant chaque assemblée, et ce alors même que le gouvernement souhaite revaloriser le travail du Parlement...
Notre travail sur ce texte fut conduit par un principe pour nous intangible : si nous voulons éviter la récidive, la peine ne doit plus se limiter à surveiller et à punir. Elle doit avoir pour ambition d'humaniser et de réinsérer. Pour atteindre cet objectif, il existe une méthode. Faire entrer le droit commun en prison, autant que faire se peut, en tenant compte des spécificités juridiques propres à l'enfermement.
Le texte présenté à l'origine était très en deçà des attentes du monde judiciaire et carcéral. Il ignorait les observations de l'Observatoire international des prisons et semblait mépriser le vaste chantier des Etats généraux de la condition pénitentiaire au sein duquel mon collègue Robert Badinter a joué un rôle clé.
Au final, le texte, réécrit presque intégralement par la Commission des lois du Sénat et largement amendé par le groupe socialiste, a été amélioré sur de nombreux points. Des avancées ont été obtenues pour l'aménagement des peines, les droits des détenus ont été renforcés (liberté de conscience, droit à la confidentialité, droit à la sécurité, reconnaissance du principe de l'encellulement individuel des détenus, continuité des soins, prise en compte de l'état psychologique…) et le travail difficile et souvent dangereux des personnels de l'administration pénitentiaire a été mis en exergue. Cependant, le projet de loi pénitentiaire, tel que transmis à l'Assemblée nationale à l'issue des travaux du Sénat, reste empêtré dans des considérations par trop sécuritaires. La question d'une programmation des moyens nécessaires en vue d'une réelle amélioration des prisons n'a été ni inscrite ni même évoquée dans la loi. C'est pourquoi le groupe socialiste du Sénat s'est abstenu sur ce texte qui, bien que comportant de substantielles avancées, n'est pas, en l'état actuel, la grande loi pénitentiaire dont la France a besoin pour se mettre en conformité avec les règles pénitentiaires européennes.

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