mercredi 30 septembre 2009

Une enquête met à mal certaines idées reçues sur l'accès aux soins des sans-papiers

Je reproduis ci-dessous un article de Laetitia Van Eeckhout paru dans Le Monde du 25 septembre dernier (n° 20114, p. 4) et intitulé "En Europe, les sans-papiers ne bénéficient pas du même accès aux soins que les citoyens ordinaires". Pour approfondir cette question, se reporter au site de MDM.

Les étrangers en situation irrégulière grèvent-ils les systèmes de soins européens ? L'enquête sur la santé des sans-papiers que devait présenter Médecins du monde (MDM), jeudi 24 septembre, vient corriger un a priori tenace selon lequel des étrangers migreraient clandestinement pour se faire soigner en Europe.
Cette enquête, menée auprès de 1 218 migrants sans-papiers accueillis dans les permanences de MDM dans onze pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède et Suisse), ne fait ressortir aucune corrélation entre les migrations pour raison de santé et les différences entre législations nationales concernant l'accès aux soins. Si en France, où les conditions d'accès aux soins sont assez favorables, 10,1 % des personnes interrogées citent la santé comme motif de migration, elles sont 8,5 % en Grèce et 7,8 % en Suède, deux pays comptant pourtant parmi les moins accueillants à cet égard. En Espagne, où la législation est favorable, seulement 4,2 % des personnes citent la santé comme raison de migration.
" Les migrants ne sont pas des malades qui viennent en Europe pour se faire soigner. Ce sont, dans leur grande majorité, des individus jeunes et en bonne santé qui migrent pour raisons politiques ou économiques, et rejoignent l'Europe pour s'y construire un avenir. Ce sont l'accueil et les conditions de vie qu'on leur réserve qui les rendent malades ", relève Nathalie Simonnot, qui a coordonné cette enquête validée par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
De fait, les immigrés sans autorisation de séjour interrogés par MDM déclarent être en " mauvais " ou en " très mauvais état de santé " à une fréquence trois fois supérieure à la moyenne de la population de l'Union européenne, et même seize fois plus souvent que les Allemands. Cet état de santé " ressenti " est confirmé par les médecins de l'association, qui ont constaté que 32 % des sans-papiers interrogés étaient atteints au moins d'un trouble de santé chronique, lequel ne s'était pas manifesté avant leur départ pour l'Europe.
Employés dans des secteurs d'activité offrant des conditions de travail difficiles, ces sans-papiers connaissent souvent des conditions de logement précaires. " S'ajoute à ces conditions de vie pathogènes un manque criant de prise en charge et de suivi. Un tiers de ces personnes présentent des problèmes de santé pour lesquels un traitement est indispensable et ne sont pourtant pas suivies du tout ", relève Nathalie Simonnot.
Contrairement à une idée reçue selon laquelle les migrants profiteraient des systèmes de santé de leur pays d'accueil, les sans-papiers n'ont pas souvent recours aux soins. Quand c'est le cas, c'est souvent après avoir attendu longtemps pour consulter. " Quand je suis malade, je me couche et j'attends de guérir ", raconte une Ivoirienne qui ne s'est laissée convaincre de consulter un médecin qu'au huitième mois de sa grossesse.
Près de la moitié des femmes enceintes concernées n'ont bénéficié d'aucun suivi de grossesse. Médecins du monde relève également que les enfants ne sont souvent pas pris en charge, alors qu'ils sont protégés par une convention internationale censée leur assurer l'accès aux services de santé. L'organisation appelle les gouvernements européens à dissocier leurs politiques de santé de leurs politiques d'immigration.
Laetitia Van Eeckhout

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