mardi 25 mars 2008

Un si fragile vernis d'humanité : notes de lecture

Parce que la politique, ce sont des actions très concrètes, mais qui doivent trouver leur fondement sur un socle de principes, sur une vision de la société et de la façon dont nous voulons vivre ensemble, au fond sur une idée de l'homme, il ne faut pas négliger de se tourner parfois vers l'histoire, la sociologie, la philosophie.
Je voudrais présenter ici un essai paru en 2005, qui m'a semblé particulièrement intéressant sur le plan philosophique, mais aussi pour ses implications politiques : Un si fragile vernis d’humanité, Banalité du mal, banalité du bien de Michel Terestchenko.

L’économie, la psychologie, la sociologie, la politique, en un mot toute la pensée occidentale depuis trois siècles, se sont construites sur l’idée que toute action humaine a pour fondement l’égoïsme. C'est cette conception du comportement humain sur le mode du "chacun pour soi" que Michel Terestchenko critique dans son essai.
Je résume ci-dessous sa conclusion, vous pouvez lire l'intégralité de l'introduction du livre à l'adresse suivante : http://www.revuedumauss.com.fr/Pages/TER.html

Terestchenko part du constat que dans de nombreuses situations, des circonstances historiques extrêmes mais aussi des événements de la vie quotidienne, des individus se montrent passifs voire obéissent à des ordres que leur sensibilité ou leur sens moral réprouve. Il cherche à décrire les mécanismes par lesquels une personne ordinaire peut être amenée à s'en remettre à une autorité exigeant de lui des comportements destructeurs, que ce soit au nom de l'ethnie, de la religion, ou encore, sur un autre plan, de la croissance économique. Il voit une fragilité foncière de l'identité humaine dans l'aisance avec laquelle des individus peuvent "s'absenter" à eux-mêmes et se laisser réduire au rang de pantins, d'exécutants dociles.
Terestchenko étudie en regard le parcours d'individus qui ont placé la fidélité à leurs convictions, à leurs valeurs, avant la quête de leur bonheur ou la défense de leurs intérêts particuliers (il s'intéresse en particulier aux Justes). Les comportements que l'on qualifie d'altruistes s'expliquent pour Terestchenko par une "présence à soi" : l'altruisme requiert de l'individu qu'il n'abandonne rien de ce qui est pour lui l'essentiel, de ce qui fait son intégrité. A l'inverse, les régimes totalitaires exigent le sacrifice de soi au nom d'un projet prétendument supérieur. Ceux qui leur ont résisté ont montré une capacité à regarder le monde avec leurs propres yeux et à agir en conséquence.
Terestchenko remplace donc le couple traditionnel égoïsme/altruisme par un autre couple : absence/présence à soi, qui ressort d'une conception non figée de la "nature" humaine. Il démontre qu'il n'y a pas de nature égoïste de l'homme, et qu'il n'est pas vrai que les hommes obéissent au seul souci de leur intérêt propre : ils répondent à des motivations complexes, diverses et non exclusives les unes des autres.
Terestchenko conclut sur l'idée que l'identité humaine est fragile et que l'homme éprouve trop souvent une difficulté à se poser comme sujet conscient, libre et autonome. L'intérêt de cet essai, c'est qu'il ne propose pas une conception déterministe des conduites humaines :
chacun peut se prémunir contre sa propension à la docilité, et l'éducation a un grand rôle à jouer pour favoriser l'autonomie et la responsabilité.

Pour une critique plus détaillée de ce livre, voir :
http://www.revuedumauss.com.fr/Pages/NLEC.html

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