mardi 10 février 2009

Pourquoi j'ai manifesté aujourd'hui

Aujourd'hui, nous étions entre 40 000 et 80 000 enseignants-chercheurs, formateurs IUFM, étudiants, etc., à manifester contre la réforme de la formation des enseignants du primaire et du secondaire, contre le décret sur le statut des enseignants-chercheurs, et contre les suppressions de postes.
Je suis pour ma part particulièrement préoccupée par le projet de "masterisation" des concours de recrutement des enseignants du premier et du second degré, qui a été présenté le 13 octobre 2008 et qui est censé améliorer la formation des enseignants et revaloriser leur niveau de qualification. Ce n'est pas un hasard si la quasi-totalité des UFR dans toutes les universités de France s'est élevée contre ce texte et refuse de l'appliquer (notamment en refusant de transmettre les "maquettes" décrivant le contenu des cours délivrés dans ce nouveau "master enseignement") :
Les enseignants de l'école primaire, du collège, et du lycée suivent déjà au moins 5 années d'étude et de formation avant d'être titularisés : ils passent une licence (bac + 3), puis effectuent une année de préparation au concours portant sur les contenus disciplinaires, et une année de stage en situation rémunéré. La "réforme" n'améliore donc pas le niveau de formation des enseignants, mais elle permet de retarder d'un an le moment de les payer ! Les futurs enseignants potentiels devront attendre une année de plus avant de toucher leur premier salaire et de cotiser pour leur retraite, puisque l'année de stage rémunérée à plein temps (216 heures en responsabilité pour un salaire annuel d'environ 15 000 euros) disparaît avec la "masterisation", ce qui accroîtra inévitablement les inégalités sociales et découragera les étudiants de milieux modestes de s'engager dans cette voie.
A la place du stage en situation d'une année, la réforme prévoit, entre l'écrit (janvier) et l'oral (juin) du concours, 108 heures de stage en pleine responsabilité pour une « gratification » de 3000 euros. Ce calendrier est évidemment intenable : entre janvier et juin, les étudiants doivent à la fois préparer l'oral du concours, effectuer 108 heures de cours devant une classe, et élaborer un mémoire de niveau M2. Ils ne seront pas réellement préparés à leur métier (d'autant que les contenus disciplinaires sont dramatiquement revus à la baisse), qui ne s'invente pas : un jeune titulaire du CAPES se retrouvera à l'issue de son master et du concours , dès sa première année de cours, devant une classe 18h par semaine, et il lui faudra apprendre "sur le tas" à devenir pédagogue...
Cette réforme conduit de plus à la précarisation du métier d'enseignant en créant un vivier de diplomés d'un "master enseignement" et recalés au concours où le nombre de places diminue d'année en année. Ces personnes pourront être employées par les chefs d'établissement sans statut de fonctionnaire pour des remplacement, des vacations, elles effectueront plus d'heures de cours que les titulaires du CAPES pour un salaire inférieur. Est-ce dans l'intérêt des collégiens et des lycéens que d'avoir des professeurs précaires ? Cette "réforme" fragilisera la qualité de l'enseignement secondaire.
Cette réforme s'inscrit dans une politique d'affaiblissement structurel de l'enseignement, et plus globalement dans une politique de précarisation des agents de tous les services publics qui met en danger l'exercice de leurs missions fondamentales.

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